Mon mari est insuffisant rénal chronique, c’est à dire que ses reins ne sont plus en capacité d’assurer entres autres leurs fonctions de nettoyage du sang et de production d’urines.
Afin de pallier le dysfonctionnement de ses reins, il fait régulièrement des séances d’hémodialyse : il est connecté à une machine qui filtre son sang de ses impuretés et retire le trop-plein d’eau qu’il aurait consommé entre deux séances. La connexion à la machine de dialyse se fait dans son cas via sa fistule artério veineuse (FAV).
Effectivement, un insuffisant rénal dont la maladie est chronique doit se faire créer une FAV afin de pouvoir être hémodialysé. La FAV, généralement faite via une petite chirurgie à l’avant-bras, est comme un canal qui relie une veine à une artère : ce canal s’appelle l’anastomose. Par ce biais, l’artère déverse une partie de son contenu dans la veine , qui s'”artérialise” : son diamètre grandit, sa paroi s’épaissit et le débit sanguin y est plus important. Ce débit permet de filtrer une plus grande quantité de sang durant la dialyse et d’éviter la formation de caillot. La solidité de la paroi permet quant à elle de piquer un grand nombre de fois la FAV sans la dégrader.
anastomose de la fistule : la bosse juste au dessus du poignet traversée par une cicatrice
Avant que le chirurgien ne crée la fistule, une échographie-doppler des veines des membres supérieurs est réalisée, afin de trouver le meilleur endroit à opérer. Parmi les critères de sélection de l’endroit où créer l’anastomose : le patient est-il gaucher ou droitier? Les veines sont-elles suffisamment grosses mais pas trop car elles risqueraient de trop se développer? Sont-elles bien en surface? etc…
La chirurgie est rapide et l’hospitalisation dure moins d’une journée (en l’absence d’anticoagulant et de maladies à risque de complications). A la création de la fistule, un “thrill” ou une vibration en français se fait sentir au niveau de l’anastomose. C’est un signe de la bonne santé de la fistule, le tic de poser ses doigts dessus se fait très rapidement. Dans le cas de mon mari, il n’a pas eu de douleur particulière après l’opération. Il y a eu des épisodes où il avait moins de sensations aux doigts, des petites craintes lors du développement de la fistule qui grossissait de jour en jour, mais finalement, rien de méchant. La fistule a pu être utilisée environ 6 semaines après sa création.
Au début de chaque dialyse, Il faut veiller à bien désinfecter les sites de ponction pour éviter le passage des bactéries dans le sang. Le risque de septicémie est important vu la fréquence des brèches que l’on crée. A noter que l’utilisation répétée de savons, d’antiseptiques peut irriter la peau.
Chaque dialyse nécessite de piquer la FAV à 2 endroits différents, une aiguille dont va sortir le sang (l’artère du dialyseur) et une autre qui va le recevoir purifié de ses impuretés (la veine). Mon mari me dit que la ponction n’est pas douloureuse, qu’avec l’habitude on ne la sent plus. Il n’a jamais utilisé de patch antidouleurs, mais sachez que ça existe pour les plus douillets. On peut utiliser un button hole pour faciliter la ponction, nous discuterons de ce sujet lors d’un prochain article.
Les points de ponctions
Un détail important est qu’en hémodialyse à domicile, il est nécessaire de savoir se piquer seul, et donc d’avoir été formé auprès de personnes qualifiées. Les infirmières libérales ne se déplacent pas à cet effet. Il faut à ce propos souligner le mérite du personnel soignant de son centre de dialyse qui a réussi à convaincre mon mari de se piquer seul et à l’accompagner. Il pensait à l’origine qu’il n’y arriverait jamais! Il s’est parfaitement piqué le bras des milliers de fois depuis.
A savoir : seules les infirmières de dialyse et le patient ont le droit de toucher à la fistule. Il ne faut laisser personne prendre la tension sur le bras de la FAV, ni ne laisser qui que ce soit piquer la fistule pour autre chose qu’une dialyse.
Un risque durant la ponction est de constituer un hématome en cas d’hésitation par exemple. Le débit sanguin est tellement important que si vous traversez toute la paroi du vaisseau et que, suite à une petite hésitation, vous ressortez légèrement l’aiguille, le sang peut s’engouffrer dans le trajet formé. L’hématome se forme alors et sa taille est impressionnante en quelques secondes. Il faut alors comprimer, mettre de la glace pour diminuer l’œdème, et changer de point de ponction.
En fin de dialyse, après s’être débarrassé des aiguilles, il faut comprimer plus ou moins longtemps les points de ponctions pour que le sang cesse de s’écouler. En fonction des patients, l’attente peut aller de 2 minutes à plusieurs dizaines de minutes … Chez mon mari, 3 minutes suffisent généralement. Enfin, on couvre avec un pansement adhésif ou un bandage, c’est selon la préférence du patient.
La fistule oblige à beaucoup de prudence. Elle est précieuse car elle est une partie du traitement, mais elle est aussi fragile. Il faut absolument la ménager et éviter de lui faire subir des chocs. Mon mari ne peut pas faire de sport où les contacts sont nombreux. Il évite ce qui la peut la comprimer : les manches serrées, certains gestes anodins comme porter un enfant sur ce bras. Il la couvre en permanence et ne porte quasiment plus de T-shirt à manches courtes pour ne pas attirer l’attention. Comme vous pouvez le voir sur ces photos, sa fistule est très développée.
Chacun sa fistule, celle-ci est assez volumineuse. Certaines personnes ont des fistules à peine visibles, d’autres en ont des plus imposantes. L’important est qu’elle soit en bon état et bien entretenue pour pouvoir subir les ponctions et les dialyses le plus longtemps possible, la dialyse est souvent un marathon de plusieurs années (voire dizaines ?). Ceci impose une surveillance régulière : on contrôle le cœur tous les ans par une échographie pour vérifier qu’il ne s’affaiblit pas, car la FAV peut le pousser à pomper le sang plus fort. Le débit sanguin qui passe dans la veine n’est bien entendu pas commun, il faut lui aussi le surveiller régulièrement : un trop gros débit pourrait à terme fatiguer plus rapidement le cœur, et la fistule pourrait se développer plus qu’elle ne le devrait.
Enfin, un dernier mot sur le bruit que produit la fistule. C’est comme coller l’oreille à un coquillage. Ajoutez-y les vibrations. Ici un enregistrement via le micro du téléphone collé à la fistule :
Je vous rassure, le son que produit la fistule n’est audible que quand on y colle son oreille. Mais dans certaines situations, son bruit peut résonner au travers d’objets, je pense par exemple aux coussins ou couettes qui diffusent et portent parfois le son.